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USA entre « grandeur » et bassesses

Depuis le 20 janvier, le croque-mitaine est en pleine action : quarante-deux directives signées par le président élu d’une grande puissance révélant ipso facto ses faiblesses. Ce show à l’américaine de saltimbanque politique a servi à signer, en public et sous les applaudissements d’une foule hypnotisée, une kyrielle de décrets hétéroclites. Ne vous y trompez pas : telle est l’amorce d’un retour du pays à la « grandeur ».

Pour qu’une situation à ce point ubuesque puisse advenir, il faut que des complaisances à peine concevables se conjuguent avec une jobardise désarmante.

La complaisance d’un système politique

Comment admettre une telle concentration de pouvoirs dans les mains d’un seul individu ? Cette absurdité constitutionnelle, discrète tant que le président était un être normal, saute aux yeux quand accède au pouvoir un mégalomane délirant et amoral. La toute-puissance ainsi accordée, et contraire au bon sens,  entraîne une tentation sélective : les ambitieux pathologiques seront les premiers à vouloir exercer ce pouvoir et à en faire une tyrannie autistique.

La deuxième aberration du régime aggrave la première : ouvrir le libre accès à la présidence à n’importe qui, fût-il délinquant. Les dix dernières années montrent de quel grand-guignol politique cette licence peut autoriser la mise en scène.

La complaisance  d’une certaine population

Un coupable condamné par la justice pénale tient les rênes d’un pays avec les pleins pouvoirs. Balayant tous les acquis de son prédécesseur, il clame qu’il va « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Que veut dire « grandeur » pour un individu construit à coups de bassesses répétées et polymorphes ?

Ne revenons pas sur la litanie trop connue de ces indignités, dont des crimes et délits reconnus par les tribunaux. Comment des extralucides – partisans, parasites, électeurs… – parviennent-ils à transfigurer la turpitude en titre de gloire ? Ce sont eux qui assurent la deuxième des complaisances, indispensable, elle aussi, pour qu’un vote démocratique consacre un autocrate antidémocrate.

Égarement inexcusable de la démocratie ? On peut l’estimer. Mais l’énormité du constat peut être un peu tempérée si on replace le nombre des trumpistes dans la population globale des États-Unis : 77 millions sur quelque 340 millions, c’est-à-dire 22,6 %, moins d’un Américain sur quatre. N’empêche que les autres 77,4 % vont devoir endurer le châtiment pendant quatre ans. Démocratiquement.

Et maintenant ? La complaisance  du silence ?

À l’échelle mondiale les partisans se comptent-ils selon la même proportion ? Impossible à préciser. Mais, quel que soit leur nombre, que peuvent faire les insatisfaits, aux  États-Unis ou ailleurs ? Se taire, laisser pisser le mérinos et attendre une fin ?

Les émeutiers républicains du 6 janvier 2021, graciés récemment et élevés au rang de martyrs, ne s’imaginent que dans un camp. Ceux, nombreux, dont les droits sont déjà bafoués ont-ils d’autres perspectives que d’exprimer leur rejet aux prochaines élections ? S’ils ne se laissent pas intimider – ou séduire – par les menaces et les effets de musk-ulation…

De leur côté, certains chefs d’État ont déjà montré par leurs réactions où ils se situent sur l’échiquier politique et à quel niveau sur l’échelle humaine. Puissent leurs électeurs trouver là des indications intéressantes.

En Belgique, nous avons aussi ce petit pouvoir qui ne changera pas la face du monde. Mais il peut contribuer à changer la face des choses devant notre porte. Dans la liberté de l’isoloir, pourquoi ne pas mettre sur la touche ceux qui sympathisent, ne fût-ce qu’un peu, avec les clowns tristes qui galvaudent la démocratie et la dignité humaine ? Pourquoi ne pas manifester notre désaccord et notre aversion par tous les moyens légaux et corrects ? En prenant la plume, par exemple.

Une première version de ce texte a été proposée au Vif/l’Express dès le 26 janvier 2025. La responsable a dit ne l’avoir pas reçue. Une actualisation, envoyée le 10 février, reste pour le moment inédite.

Publié dansDémocratieEthiqueInéditPolitiqueSociété

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