Qu’en est-il aujourd’hui de l’« image de marque » de l’école et des enseignants ? La question se pose dans l’absolu, indépendamment de circonstances particulières. Mais elle s’est posée avec plus d’acuité en 1990 et elle ressurgit en cette fin d’année scolaire, suite aux perturbations qui ont marqué les derniers mois.
Sans jouer les grands clercs, ni même faire référence aux enquêtes organisées sur le sujet, on peut constater ceci. Notre pauvre monde – à tort, je pense, mais très résolument – jauge la valeur des gens et leur distribue la considération sur la base du statut économique. Dès lors, les enseignants, dont la rémunération s’est peu à peu dégradée, par rapport aux autres professions requérant un diplôme comparable et par rapport à leurs homologues d’autres pays voisins, n’ont pas à attendre grande considération, d’après ce critère. Ainsi le grand public est bien conditionné, préparé, perméable à l’intoxication orchestrée par le politique : ces travailleurs de « bas de gamme » ne seraient-ils pas, en outre des tire-au-flanc – puisqu’il faut leur mitonner un système répressif pour leurs congés de maladie – et peut-être des fraudeurs – à qui on retranche le salaire arbitrairement, sans respect du droit de la défense ?
Ajoutez à ces griefs individuels l’animosité suscitée par un système scolaire qui, faute d’une imagination créatrice d’autres moyens, s’est opposé à un décret assassin par une désorganisation organisée. Et vous avez le tableau actuel, l’« image de marque » de l’école, ne disons pas auprès des parents, mais auprès d’un certain nombre de parents.
Si le tableau est noir, personne n’y gagnera. Et surtout pas – c’est paradoxal, mais c’est ainsi – les opposants les plus rabiques et les moins nuancés. En vitupérant contre l’école et les profs, ils les dévaluent d’abord aux yeux de leur entourage, c’est-à-dire de leurs propres enfants. Et ils diminuent ainsi ipso facto la qualité de la formation de ceux-ci. Comment donc ? Eh bien, la recherche pédagogique a montré l’importance, pour la réussite d’un étudiant, de la valeur qu’il reconnaît au diplôme visé, à la branche choisie et aux animateurs de la formation. « L’important, relève M. De Ketele, professeur à l’UCL, est de ne pas s’engager dans une filière et une institution pour lesquelles on a peu d’estime, car ceci entraîne une série de répercussions psychologiques démobilisantes (1). »
Voilà qui inspire un mode d’emploi, qui vous surprendra peut-être, de l’école. On le sait : comme toute institution humaine, l’école, avec ses acteurs, allie qualités et défauts. Mais l’intérêt même des « clients » de l’école, parents et élèves, consiste à tirer parti des qualités – elles existent et en nombre – pour se construire une image positive, facteur essentiel de réussite scolaire. Et sans doute, d’ailleurs, la vertu dynamique de cette image s’accroîtra-t-elle lorsque le projet de formation mis en œuvre par une école sera élaboré, puis sans répit adapté, aménagé, grâce à tous les partenaires de l’éducation, dans le respect de leurs attentes et de leurs rôles respectifs.
Publié sous le titre « Dénigrer l’école est autodestructeur » dans Le Soir, le mardi 9 juillet 1996.