Aller directement au contenu

Vœu 2025 pour l’école : que le politique désapprenne le mépris

De toute évidence, les idées « originales » du nouveau gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour « assainir » le budget sur le dos de l’enseignement ont relancé une rébellion latente depuis plus d’un quart de siècle. C’est dans les années 90 que s’enracinent cette rancœur, ce désamour larvé entre l’école et les décideurs politiques.

Laissons pour d’autres le débat sur le bien-fondé des dispositions qui indisposent les profs. Dénonçons plutôt, une fois encore, la maladresse ou la carence pédagogiques du monde politique vis-à-vis de l’école et de ses acteurs.

1996 et le clash irréversible

L’amorce est datée : le 27 septembre 1990, l’enseignement se communautarise sans moyens suffisants. Ainsi se manifeste un mépris politique, surprenant, pour l’école. Ainsi naît un sentiment de déconsidération chez les enseignants. L’année 1996 connaîtra une grève longue et intransigeante, devenue mythique. Pour quel résultat ? Une capitulation partielle des pouvoirs publics. La raideur, voire la brutalité, des réactions a discrédité les décideurs auprès d’une majorité d’enseignants.

Un exemple ? En voici un qui vous fera sourire : l’ex-Ministre Onkelinx me doit toujours un mois de salaire. J’étais persuadé du bien-fondé des revendications, mais non de la pertinence de la grève comme moyen d’action, vu ses conséquences pour les jeunes et pour leur famille surtout quand elle s’éternise. Présent tous les jours pour l’accueil des élèves, j’ai été arbitrairement « assimilé aux grévistes » par la Ministre, et condamné au même retrait de salaire.

Cette anecdote administrative est bien sûr insignifiante par rapport au dommage moral global infligé alors à l’enseignement. Les acteurs de l’école se sont sentis stigmatisés par un jugement négatif et dévalorisant : leur voix n’était pas entendue. Ils étaient tenus pour des pions dans un  jeu de dupes, corvéables et réformables à merci.

Un kaléidoscope de réformes

Imagine-t-on une réforme qui valorise ? Oui, si, au lieu de méconnaître les réussites, les réformateurs les épinglent, les collectent et s’en servent comme greffons. Or ce sont les constats négatifs, inspirés notamment par la marâtre PISA, qui alimentent l’amorçage. Le processus s’inverse :  les réformes deviennent un calfatage de navire en perdition. Toute réforme – compétences, titres requis, numérisation, etc. –, se grippe tôt ou tard : le manque flagrant de considération pour les acteurs de terrain, leur travail et leur vécu lui dessine un visage grimaçant. Et paralysant.

Des maîtres-d’œuvre, intellectuels de haut vol, technicisent et « pédagogisent » à qui mieux mieux.  Idéalistes – irréalistes ? –, ils planent loin au-dessus du plancher des vaches. D’où le destin aléatoire et erratique des nouveaux principes, même quand ils sont bons. À qui la faute ? Ne l’imputera-t-on pas, avec hauteur, à ces « incapables d’assimiler un changement » ?

 Premier remède contre la pénurie : considération et respect

Reconnaissons que mon propos est un peu excessif. Car, d’homme à homme, tous les politiciens ne méprisent pas les enseignants. Mais, depuis quelque trente ans, certaines figures de proue, sciemment ou par maladresse, ont contribué à faire naître un arrière-fond de mépris, qui persiste et pèse.

Les mesures actuelles en relaient bien d’autres, ressenties par nombre d’enseignants comme « violentes ». De cette violence institutionnelle et structurelle qui est infligée aux petits, aux obscurs, aux sans-grades par une autorité sans empathie. La prétendue concertation préalable aux décisions ne convainc pas grand monde. Qui, sur le terrain, a le sentiment d’avoir été consulté, écouté, considéré ?

Pour 2025, haut les cœurs ! Souhaitons que le vice soit curable. Que les responsables politiques prennent conscience que CDI et changement de statut n’amèneront pas, comme par miracle, de jeunes enseignants motivés dans les écoles ni ne retiendront les hésitants. Par contre, pour commencer à guérir la pénurie, une panacée est tout indiquée : la considération respectueuse. C’est à elle que la Ministre devrait proposer un contrat à durée déterminée. Voire une nomination définitive.

Publié ce lundi 6 janvier 2025 dans La Libre Belgique, p. 31, et sur le site numérique de La Libre, le même jour à 12 h 17.

Publié dansEnseignementPolitiqueSociété

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire