« Chienne de vie ! », pourrions-nous entendre par les temps qui courent. Qui conspuerait la vie actuelle aurait bien des raisons. Ces dernières années et ces derniers mois, les agressions contre la vie et contre ses valeurs essentielles ne se comptent plus.
Les menaces contre la vie elle-même effrayent : la planète maltraitée et le climat déboussolé plombent le quotidien d’épisodes catastrophiques, sous toutes les latitudes. L’urgence des mesures à prendre pour freiner le réchauffement ne convainc pas tout le monde. Certains décideurs politiques se désengagent des programmes communs et prennent des orientations contraires au bien-être planétaire.
Le retour à la vie ? Redonner audience et force à la protection de la nature. En faire concrètement la priorité dans les décisions politiques. Car ce serait quand même bien de laisser à nos petits-enfants une Terre habitable.
Encore faudrait-il que la vie y reste digne, empreinte des valeurs qui lui donnent sa pleine humanité. Or, celles-ci sont attaquées de toutes parts par des contre-valeurs mortifères.
Un exemple récent ? Nombre d’entreprises européennes, dont des Belges, ont reçu un courrier de l’administration américaine : pour commercer avec les États-Unis, elles sont priées d’abandonner tout programme qui favoriserait la diversité, l’inclusion et l’égalité. Percevons-nous bien l’énormité de cette injonction ? D’abord, il s’agit de l’ingérence, tout à fait inédite, d’une puissance étrangère dans les pratiques que chaque État a décidé démocratiquement de mettre en œuvre. Ensuite, c’est vouloir imposer à tous la rentabilité économique comme valeur suprême. Enfin, c’est ordonner que la déification de l’argent se réalise à tout prix, fût-ce au détriment des plus fragiles.
Le retour à la vie ? Que les entreprises cherchent d’urgence d’autres partenaires, qui n’aient pas comme maître un illuminé se prétendant sauvé « par la main de Dieu », tout en incarnant des valeurs aux antipodes de l’esprit du christianisme. Une capitulation devant l’oukase du gourou, même si elle croit n’être que de façade, n’est en pas moins indigne.
Tout récemment aussi, une ministre est menacée de violences et placée sous protection policière : elle a introduit une proposition de loi pour supprimer l’anonymat sur les réseaux sociaux. Elle veut mettre sur le même pied une insulte de la vie courante et une insulte lancée devant son écran. Que chacun soit responsable de ses actes virtuels autant que réels. Aussitôt des anonymes l’injurient et la menacent. Ils veulent continuer à faire violence impunément.
Voilà une autre pratique trop répandue qui défigure notre monde : le respect et la considération des personnes sont bafoués chaque jour par d’innombrables internautes mus par la haine et le mépris des gens.
Le retour à la vie ? D’urgence une législation qui encadre sans aucune concession ni complaisance l’usage d’internet et des réseaux sociaux. Mais aussi, dans l’éducation, un soin tout particulier de familiariser les jeunes avec les valeurs qui rendent possibles les échanges entre personnes dans un respect mutuel. Mais encore chaque instant où chacun de nous fera du respect son mot d’ordre personnel.
La résurrection de ces valeurs humaines n’est pas une chasse gardée du christianisme, même s’il coule de source évangélique qu’il soit le premier à l’espérer et à la susciter. Le Carême ne retrouve-t-il pas une nouvelle jeunesse sur Tik Tok ? Parenthèse dans le matérialisme et la consommation, invités à redescendre au rang d’accessoires dans une vie qui cherche son sens.
Toutes les atteintes à la vie ont créé un manque. Elles ont presque neutralisé l’intuition que l’existence humaine se rabougrit sans sa dimension spirituelle. Pâques rouvre la voie à cette aspiration : l’homme n’est-il pas appelé à un au-delà de l’immédiat, du matériel, du prosaïque et de l’ordinaire ? Un au-delà de lui-même ?
Publié sur le site de La Libre Belgique, le jeudi 17 avril 2025, à 10 h 33.
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