L’école ne date pas d’hier, mais de bien avant hier. Les premières traces d’un enseignement de l’écriture et du calcul remontent à 4000 ans avant Jésus-Christ, en Mésopotamie et en Égypte. Vous imaginez le nombre astronomique de ceux qui ont dû à l’école une partie de leur bagage humain. Impossible aussi de rendre compte de l’extrême diversité des « programmes scolaires », à travers le temps et l’espace. Chaque lieu et chaque époque ont fait de leur mieux pour équiper les humains de l’attirail utile pour vivre et, si possible, bien vivre.
Qu’en est-il aujourd’hui ? La part d’autonomie dont jouit l’école par rapport à la société mérite d’être exploitée autant que faire se peut. C’est elle qui peut agir pour (re)donner aux jeunes une indépendance par rapport aux tendances actuelles qui déshumanisent. Elle permet plusieurs sevrages qui rendent à l’individu liberté et dignité.
Un sevrage des écrans
Pour l’instant, la dose d’écrans dans les écoles reste bien inférieure à celle que la plupart des jeunes absorbent chez eux au quotidien. Pendant la journée scolaire, ils vont rencontrer des êtres de chair et d’os qu’ils pourront regarder face-à-face et avec qui parler en direct et en vrai.
Une chance, surtout si, dans le milieu familial, les regards des adultes leur sont confisqués par les écrans. Car les heures d’écrans des parents valent des absences, plus douloureusement ressenties qu’un éloignement physique. Quelques heures par jour, les écrans seront remplacés par des visages. Un début de remède aux addictions.
Si l’école n’interdit pas l’usage du smartphone, elle le régulera et lui conférera une vertu didactique. Elle apprendra comment s’en passer et comment bien l’utiliser quand on ne s’en passe pas. Elle lui fera perdre ses galons de maître pour le ramener au statut de serviteur.
Un sevrage des mensonges
Plus encore pour les jeunes, en principe moins aguerris en matière d’esprit critique, que pour les adultes, en principe nantis d’une lucidité critique, le domaine de l’information est devenu un terrain miné. Faits, paroles, pensées et images falsifiées – avec le (gros) grain de sel ajouté par l’intelligence artificielle – sèment le désarroi : plus grand monde ne sait à qui se fier pour être correctement documenté, pour connaître le vrai.
L’école reste le lieu de la parole vraie. On y enseigne ce qui est avéré, prouvé, certifié, dans les limites de la connaissance actuelle. Hormis quelques illuminés qui contestent le contenu des cours au nom d’idéologies délirantes, les jeunes reçoivent l’enseignement comme vrai. C’est, en quelque sorte, tranquillisant, par rapport aux incertitudes permanentes générées par le mensonge.
Inéluctablement, les programmes vont inclure l’initiation aux instruments critiques qui permettront aux futurs adultes de discerner le vrai du faux, de reconquérir une autonomie imperméable aux manipulations idéologiques et politiques.
Un sevrage de la violence
Loin de moi l’audace d’affirmer que l’école échapperait à la violence. Les agressions verbales, voire parfois physiques, vis-à-vis des profs y deviennent plus fréquentes, par défaut d’éducation ou parce que, en dehors de l’école, la violence s’est banalisée. Entre élèves, le harcèlement, plus déchaîné dans le virtuel que dans le réel, nécessite une stratégie concertée et des mesures urgentes.
Pourtant, à l’extrême opposé de ce qu’on constate sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la vie réelle, à l’école, le respect des personnes reste une valeur primordiale, préconisée comme le préalable immanquable à toute rencontre, à tout échange et à toute relation pédagogique. Il y a bien sûr nombre de couacs au quotidien, mais perçus comme tels et qui ne remettent pas en question la ligne directrice du respect.
Nous avons donc mille raisons d’être fans de cette école qui, par nature, sauvegarde des priorités essentielles. Au cœur – mais aussi à côté – d’un monde trop souvent débridé et déstabilisant, elle fait voleter une bulle d’humanité.