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Pour que la papa(im)mobile redémarre

En contrepoint de l’engouement et de la ferveur que la visite en Belgique du Pape François a suscités chez pas mal de catholiques, ses dires et ses prises de position ont provoqué chez beaucoup stupeur et tremblements. Mon intention n’est pas du tout d’entrer ici dans le détail des polémiques  auxquelles les propos papaux ont donné libre champ. Plus modestement, je voudrais tenter de remettre le village au milieu de l’Église et le catholique qui accepte d’être lambda en face-à-face avec le Souverain Pontife.

Le 13 mars 2013, l’élection cardinalice de Jorge Mario Bergoglio à la dignité suprême de l’Église en a étonné plus d’un. L’originalité apparente de ce Pape François – son premier mot à la loggia de Saint-Pierre fut un sympathique « Bonsoir » – a fait naître l’espoir : la proximité, le naturel, l’humanité d’un pasteur allaient-ils imprégner et transformer l’Église, qui avait un besoin criant de ces élixirs de jouvence ?

Onze ans plus tard, regardons l’Église, entendons le Pape. Que reste-t-il de ces beaux jours ?

Un pape simple croyant

Grâce à Dieu, ni en 2013 ni jamais, la fonction de pape ne métamorphose un être humain, même pétri de qualités, en génie ni en superman. L’élu se voit investi d’une charge lourde, voire écrasante. Sa foi lui permet de l’assumer. Ce n’est pas une « superfoi ». De ce point de vue, un pape est sur le même pied que tout autre croyant, avec des convictions et des doutes, des ombres et des lumières.

L’état de santé actuel du Pape François nous le rappelle : humain comme nous, il est tributaire des aléas de toute existence humaine, physiquement et psychiquement. Comme tout un chacun, il a ses préférences, ses désirs, ses sentiments, ses opinions, qui ne se convertissent pas, pour la seule raison qu’il est pape, en choix accrédités de l’Église, a fortiori de tous les croyants.

Étant donné son statut et l’autorité que la tiare lui confère, un pape est bien inspiré s’il pèse ses mots, avec scrupule et clairvoyance, dans sa parole publique. Toutes obédiences confondues, les auditeurs attribuent un caractère officiel à ses déclarations. Le juste discernement voudrait qu’il réserve ses opinions ou sentiments personnels aux seules conversations privées.

Un pape cohérent

Il n’existe pas de personnalités monolithiques. À enjeux multiples, réactions multiples. Progressiste sur l’environnement et l’accueil des migrants, un pape peut se montrer conservateur sur la condition de la femme et les questions éthiques liées à l’avortement. Là encore, il fera bien de ne pas mélanger les convictions intimes de son cru avec les orientations collégiales proclamées au nom de l’Église.  La responsabilité de ce tri est la sienne. Ce n’est pas au simple catholique que je suis de faire la discrimination entre les opinions personnelles d’un pape et le message de l’Église.

 Par contre, une autre distorsion peut être plus délicate à comprendre. En toute bonne foi, le Pape paraît  prôner la « synodalité » : «  voyager ensemble en tant que peuple de Dieu ». Ce concept recouvre une manière d’écouter chacun en tant que membre de l’Église. Si telle est la méthode idéale de vivre en Église, est-il cohérent qu’elle soit sélective selon les sujets ? N’est-ce pas dans tous les domaines que le peuple de Dieu mérite l’écoute de ses attentes et l’attention à ses initiatives ?

Un pape confrère dans un sacerdoce commun

En 1964, Vatican II et la constitution Lumen gentium affirment que l’Église vit un « sacerdoce commun » à tous les fidèles, où seules diffèrent les fonctions, les ministères. Membres de l’Église, nous sommes tous dépositaires du sacré pour le célébrer et le partager. Entre « confrères », nous avons le devoir d’interpeller le Pape et de lui faire connaître notre désir de voir son sens de l’ouverture reprendre le dessus. Rigidité et écoute du peuple de Dieu semblent incompatibles. Ne manquons aucune occasion d’inviter le Pape, notre confrère en sacerdoce, à mieux entendre les voix qui plaident pour une humanité plus plénière. Comme j’essaie de le faire ici.

Publié sur le site de La Libre Belgique, sous le titre « Une tentative de remettre le village au milieu de l’Eglise », le mardi 2 octobre 2024, à 16 h 48.

Published inEthiquePhilosophie pratiqueSociétéSpiritualité