Le vieil adage selon lequel chacun de nous se définit par ses fréquentations me paraît prendre une signification frappante dans le contexte d’une élection. Qui décide de se lier à tel candidat de tel parti dessine par là son propre profil. Il peint même un double portrait. Le premier fait savoir les idées auxquelles souscrit ledit électeur. Le second montre quelles valeurs humaines sous-tendent sa propre personnalité.
Le parti choisi nous définit
Quelles idées, quelles options politiques soutenons-nous ? Vers quel parti dès lors doivent s’orienter nos sympathies ? Nous serons presque débordés par l’armada de tests électoraux qui s’offrent à nous. La RTBF, RTL, La Libre Belgique, Le Soir, entre autres, font de cet exercice un devoir citoyen. Le Vif va jusqu’à lancer un « test des tests électoraux », qui doit permettre de vérifier si les tests précités apportent une solution satisfaisante. Les voies sont toutes tracées pour que chacun puisse établir son profil.
Quoi qu’il en soit, celui qui accorde sa confiance à un parti révèle ipso facto ce qu’il pense. Il clarifie ainsi ses préférences, à ses propres yeux et aux yeux de ceux à qui il confesse ses choix. Remarquons que beaucoup restent volontiers énigmatiques vis-à-vis de leur entourage quant à leurs intentions ou à leur vote. Crainte d’être percé à jour ? En particulier si on se rallie à des thèses extrêmes ou extrémistes ? Mais l’essentiel est que chacun reconnaisse, en toute lucidité critique, que les propositions qu’il cautionne font partie intégrante de sa propre identité.
Le candidat choisi nous définit
Tant mieux si nous entrons dans l’isoloir avec une conscience claire de nos souhaits politiques. Mais nous voici en présence de listes non pas d’idées, mais de personnes. Nous allons choisir des gens que nous connaissons. D’une connaissance imparfaite, parfois insuffisante, même si tous les candidats ont sans doute fait le maximum pour se faire connaître.
Le nom que nous pointons est celui de la personne que nous croyons capable de porter nos idées et de les transformer en réalités. Dans la mesure du possible, nous choisissons en fonction des qualités humaines qui sont les plus vitales pour nous et en nous.
Bien sûr, la diversité des citoyens et de leurs priorités diversifie les préférences. L’un votera pour ce roquet agressif, parce que lui-même croit à l’efficacité des aboiements. L’autre préférera ce conciliateur discret, parce que lui-même privilégie dialogue et respect des personnes.
Quelquefois, les événements confirment tristement cette corrélation entre électeur et élu. Ainsi des électeurs d’un candidat menteur, insulteur et prêt à bafouer les institutions se sont retrouvés quelques mois plus tard, menteurs quant au résultat du vote, émeutiers, prêts à maltraiter la constitution, voire à tuer, si nécessaire, pour renverser ce résultat. Quatre ans plus tard, les mêmes stagnent toujours dans le même mensonge et la même tentation de violences. Quant au candidat évincé, il rêve d’un retour au pouvoir et promet de gracier les insurgés s’il est élu.
Ces cas – rares et caricaturaux – ne font que confirmer un autre adage : « Qui se ressemble s’assemble. » Quant aux tendances du moment, elles accentuent le phénomène. Trop de politiciens ont perdu le sens de la mesure, de la réserve et de ce qu’on appelle jusqu’ici la « diplomatie » : ils criaillent à tous vents, brocardent, mentent, insultent, en se faisant presque une gloire de cette « authenticité », primaire et consternante. Et leurs supporters admiratifs leur emboîtent le pas sur les réseaux sociaux, voire dans la vie réelle. L’impudeur est devenue leur vertu commune. Une élection peut servir de levier pour amorcer un basculement. Pour rendre droit à la dignité, au respect, à la modération, à la patience, à l’honnêteté, il suffit – ! – d’élire celles et ceux aux yeux de qui ces valeurs ont un sens et un poids. La démocratie retrouvera des couleurs et des partisans. D’autant que, forcément, tous les électeurs de tous ceux-là leur ressembleront.