Nous l’avons tous constaté avec stupeur : un virus microscopique a suffi pour dicter une fin, au moins provisoire, à une saga politique qui n’était pas piquée des hannetons. La crise sanitaire a relégué au second plan sa consœur politique. Mais la date anniversaire des dernières élections législatives ravive tout de même le cruel souvenir : le ver était bel et bien dans le fruit du nouveau gouvernement.
Informateurs, « préformateurs » et autres intervenants sans titre précis se succédaient à tire-d’aile avant de tomber comme des mouches. À leur décharge, il faut reconnaître qu’ils se sont trouvés aux prises avec une faune trop bigarrée pour que même une activité d’insecte parvienne à la pacifier. Quel vivarium insolite !
Ici, un drôle d’asticot – peut-être aussi du genre « teigne » –, nouvellement arrivé dans le champ clos, se complaît en invectives, verdicts lapidaires, avis de boutefeu. Se nourrit-il exclusivement de l’attention censée lui revenir ? C’est à croire. Or le bon sens le dit : la mouche du coche politique ne l’accélère pas plus que celle de La Fontaine.
Là, quelques spécimens, dûment désignés par quelque électeur, s’investissent dans un travail de termite : quelles que soient les initiatives des uns et des autres, ils ourdissent la désagrégation de l’État Belgique, dont ils vendront les reliefs au marché aux puces. Certains citoyens, à qui ce fourvoiement donne le cafard, se demandent quelle mouche les a piqués, eux et leurs supporters.
Ailleurs encore, quelques escargots se délectent de leur lenteur. Ils tentent d’enfumer l’inertie dans un essaim d’effets d’annonce, qu’ils voudraient voir muter en effet papillon. Ils jugent superflu de se secouer les puces pour transformer les électeurs en chenilles processionnaires. Mais quelles mouches arriveront-ils à prendre avec ce vinaigre-là ?
Tout ce foisonnement s’est tétanisé d’un coup. L’ennemi juré de tous, le Covid-19, aura-t-il réussi, d’un coup de génome magique, à faire disparaître les actions parasites ? En contraignant à la distanciation dite sociale, aura-t-il réduit les distances politiques ? Ou, au contraire, les velléités de nouveau gouvernement seront-elles desservies par un avatar politique des gestes barrières, au risque de donner le bourdon à une majorité des citoyens ?
Plus les ornières sont creusées, plus il est difficile d’en sortir. En politique comme ailleurs. L’électeur – singulier, mais aux attentes plurielles – en est conscient. Mais, jusqu’ici, semble-t-il, il n’a pas trouvé de solution miracle pour faire avancer le schmilblick. Extrémisme et bien commun ne se cherchent-ils pas inexorablement des poux dans la tête ?
À quels critères le citoyen pourrait-il dès lors recourir pour se montrer plus fine mouche ? Surtout s’il a des fourmis dans les jambes en entendant reparler d’isoloir. Sont-ce les déclarations politiques qui doivent lui mettre la puce à l’oreille ? À quoi d’autre se référer ? Promesses d’un programme ou personnalité des prometteurs ?
Les promesses politiques ont assez démontré leur inconsistance et leur inconstance pour que le votant lambda puisse encore s’y fier. Pas folle la guêpe !
Est-ce dire que la personnalité des candidats sera meilleure conseillère ? Démasquons-les bien. Celle ou celui qui préfère un travail de fourmi à un coup de pied dans la fourmilière. Qui montre un profil d’abeille industrieuse plutôt que de scorpion masqué. Qui ne croit pas indispensable pour faire mouche d’asticoter ses adversaires, en suggérant qu’ils ont une araignée au plafond ou que, trop pusillanimes, ils ne feraient pas de mal à une mouche. Celle ou celui qui ne voit les politiciens ni comme une nuée de criquets pèlerins s’abattant sur la richesse d’un pays ni comme une caste qui se réfugierait dans le cocon moelleux d’un carriérisme sans âme. Il y a des postures qui ne trompent pas. À approuver ou à sanctionner.
L’Histoire corrobore ce postulat : aucune politique marquante n’a de l’envolée sans un politique de haut vol. « Pareil spécimen n’existe plus sur le marché, objecterait peut-être le pessimiste, pas plus que de grands projets empreints d’humanité. » « Minute papillon ! », rétorquerait l’optimiste. « De discrets grands hommes – en puissance – pourraient encore être dépistés par un électeur sagace. Et de vastes desseins être soutenus avec une patience entêtée, de saut de puce en saut de puce. »
Publié sur le site du Vif/l’Express, le lundi 8 juin, à 14 h 41.